Les à côté.e.s
01/01/22 > 31/12/22
expo OR
Commissariat saison 2021-2022 :
Corinne Digard et Aurélien Mole
Note d’intention du commissaire invité Aurélien Mole :
Lorsqu’il a été question de reconstruire à l’identique les cinq bateaux Vikings volontairement coulés à Skuldelev, dans le fjord de Roskilde au Danemark, les archéologues en charge du projet n’ont pas fait appel à des menuisier navals. Dans l’optique d’une archéologie expérimentale, ils voulaient que les bateaux soient construits par des personnes ayant un minimum de préjugés techniques. Des menuisiers qui découvriraient en tâtonnant, à force d’erreurs et de trouvailles comment construire un drakkar avec les outils disponibles vers l’an mille. Une fois les bateaux construits, l‘étape suivant à consister à les faire naviguer pour comprendre
comment se comportaient ces navires dans les conditions de pleine mer. Un équipage expérimenté a donc navigué de Roskilde à Dublin en utilisant la force des rames et puissance du vent. L’archéologie expérimentale poursuit l’entreprise de spéculation de l’archéologie classique, elle vient cependant combler le vide qui existe entre la découverte d’artefacts et leur conservation par un détour suivant les lignes de la manufacture et de l’usage. Elle substitue ainsi une théorie de l’expérience par une pratique de celle-ci. Cela permet de soulever une foule de questions qui n’avaient pas été envisagées au départ et dont la résolution nourrit en retour la connaissance que nous pouvons avoir de ces objets du passé.
Les conditions de l’archéologie expérimentale me semblent intéressantes à rapprocher du projet Orange Rouge que je connais sous plusieurs angles depuis plus d’une décennie. Il ne s’agit pas d’une simple adaptation des pratiques élaborées par les artistes à un nouveau contexte mais plutôt d’observer comment un contexte radicalement différent peut modifier le rapport des artistes à leur propre pratique. Ce pivotement, est de mon point de vue l’un des intérêts du projet les plus excitants et il donne souvent lieu à des créations singulières que l’artiste est libre ou non de relier au reste de sa production.
Tout comme les archéologues du musée des navires vikings n’ont pas fait appel à des menuisier spécialisés dans les chantiers navals, j’ai cherché à travailler avec des artistes qui revendiquaient d’autres compétences, que ce soit le graphisme, la production théorique, le commissariat d’exposition, la radio etc. Ceci afin d’avoir la possibilité de rompre plus avant avec ce qui est compris à ce jour comme leur pratique artistique.
Tandis que nos navigations sont finement observées, que l’on dresse de nous des profils de plus en plus fins et que l’on détermine nos centres d’intérêt avant même que nous soyons en mesure de les formuler et que l’on nous propose des rencontres qui ne font que calcifier nos certitudes. Allons à travers champs. Alors que l’on s’intéresse plus au locuteur qu’à ce qu’il a à dire, que nos élans sont disséqués comme autant de constructions implicites reproduisant les structures du pouvoir, coupons à travers bois.
Biographie :
Aurélien Mole est né en 1975 à Téhéran. Diplômé de l’école du Louvre en histoire de la photographie, il a poursuivi son cursus à l’école nationale supérieure de la photographie à Arles et l’a conclu par une formation sur les pratiques de l’exposition dirigée par Catherine Perret et Christian Bernard. Son travail a fait l’objet d’une exposition personnelle à la Galerie Lucile Corty en 2009 (En bonne intelligence), à Marseille en 2011 (Sir Thomas Trope avec julien Tiberi), à la villa du Parc en 2012 (Sir Thomas Tropeavec julien Tiberi), à la galerie Dohyang Lee en 2014 (La forêt Usagère), à Passerelle en 2015 (Bénin) et à Clarkhouse à Bombay en 2016 (Liberty Taken Appart). Il a participé à de nombreuses expositions collective en France et à l’étranger (If I can’t Dance I don’t want to be part of your révolution, Van Abbe Museum, Eindhoven ; Double Bind, Villa Arson, Nice ; Riding the Frothing Thread, Jaus, Los Angeles ; Clouds in the cave Fri-Art Fribourg).
Par ailleurs, il a publié régulièrement dans le magazine Art21, des critiques ayant trait à l’exposition ainsi que des monographies sur des artistes contemporains (Aurélien Froment, Guillaume Leblon, Gaël Pollin…) et publie régulièrement des textes théoriques comme récemment Les artistes iconographes avec Garance Chabert, sorti chez Empire press en 2018 et réédité en 2020.
En 2019, il publie Stud avec Aurélie Jacquet un livre de photographies réalisées alors qu’ils étaient étudiants à dix années d’écart à l’ENSP d’Arles. L’ouvrage distribué aux Presses du Réel est mis en page par Syndicat.
Il réalise aussi des expositions basées sur des dispositifs au sein du collectif le Bureau/ (Un Plan Simple, Maison Populaire de Montreuil, en 2009, Le Syndrome de Bonnard, Villa du Parc 2014) et en son nom propre (Les Images Vieillissent Autrement que Ceux qui les Font en 2012 au CNEAI, Les Référents, avec Etienne Bernard à Gennevilliers en 2012, Véronique avec Julien Carreyn et Un être un acte, un lieu, un objet avec Eric Tabuchi en 2019 ainsi que How Does one portray the wind avec Marceline Delbecq en 2020 à partir de la collection photographique des FRAC de la région Grande Aquitaine).
Depuis 2008, il réalise la documentation photographique de nombreux artistes, institutions et galeries. Enfin, il est l’un des membres fondateurs de la revue consacrée à la vue d’exposition : Postdocument (www.postdocument.net). En parallèle à ces quelques activités, il a enseigné durant deux ans dans le Nouveau Département de l’ENSA de Nancy.
Photographie : Navire viking d’Oseberg, 1904.