Thu Van Tran Fresque de vie
Collège Évariste Galois, Epinay-sur-Seine (93)
2015
« A la fin du projet, j'ai remarqué que les élèves avaient beaucoup gagné en estime d'eux-mêmes, ils ont vu ce qu'ils étaient capable de faire. [...] Les enfants étaient tous très heureux d'être là. Je craignais qu'ils se démobilisent rapidement mais cela n'a pas du tout été le cas. [Ils] y ont beaucoup gagné en terme de sensibilité et ont affiné leur regard sur les choses.»
Nacer Belgat, enseignant
Thu Van Tran explore l’histoire coloniale en s’inspirant de faits précis. Historien et littéraire, son art n’en est pas moins incarné : recourant à des procédures de contact, l’empreinte ou le moulage, ses oeuvres – essentiellement sculptures, collages, photogrammes – ont une intensité matérielle. Leurs modes de production comme leurs références plongent au coeur d’une histoire ramifiée, contradictoire, composée de plis et de replis, d’obscurité et de clarté : les faits perdent leurs contours, révélant la dimension fictive voire factice de tout récit. Thu Van a travaillé avec sa classe sur l’histoire du Palais de la Porte Dorée, construit dans un pur style Art Déco pour l’Exposition Coloniale de 1931. Avant de devenir le Musée national de l’immigration en 2007, le Palais a changé plusieurs fois de nom. Le vaste ensemble de bas-reliefs d’Albert Janiot qui couvre la façade fut la matrice du projet. Avec son iconographie idéalisée, ce « décor de pierre animé » constitue une allégorie idéologique : cette pastorale tropicale promeut les colonies françaises. Or, cette fresque rencontrait la biographie des élèves, originaires de pays qui sont d’anciennes colonies. Thu Van et les adolescents ont réalisé trois bas-reliefs en terre, en modelant des fragments de cette fresque historiée à partir des photographies qu’ils en avaient faites auparavant. Impliquant les élèves dans toutes les étapes de la fabrication de ces sculptures, l’ensemble du processus consista en une série de traductions : de la reproduction d’images volumétriques à la réalisation d’images photographiques en passant par le modelage. Cet atelier, qui fut pour les élèves une formidable initiation à une technique ancestrale toujours actuelle, leur offrit l’expérience d’une réappropriation et d’une réinterprétation concrètes et symboliques. Or, si ce programme était ambitieux, il se décompose en opérations finalement assez simples, bien que fondamentales. Donnant des résultats immédiats, la terre est en effet un médium agréable et gratifiant, et les élèves prirent un immense plaisir à travailler une matière sensuelle.
Le projet a reçu le soutien du Département de la Seine-Saint-Denis dans le cadre du dispositif « La Culture et l’Art au Collège ».