L’artiste
Le travail de Roxane Borujerdi, diplômée de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris en 2006, se développe par le biais de dessins, photos, sculptures, vidéos et performances. La grande variété des médiums utilisés ne nuit pas pour autant à une cohérence du travail qui serait de l'ordre du prolongement : des idées, des formes, des couleurs ou encore des thématiques. Ainsi, l'oeuvre de l'artiste peut se comprendre de la même manière que le développement d'un système végétal, dont la souche mère serait le dessin. Dans la série Rondins datant de 2011, l'artiste a pyrogravé des formes simples linéaires qu'elle a ensuite teintés en couleur, jouant ainsi avec la nuance initiale du bois. Le dessin est ici distordu, confronté à la rudesse d'un matériau organique continuant lui-même à évoluer au fil du temps. De même dans la série des Martyres, Roxane Borujerdi révèle avec patience les cicatrices de planches de bois ayant servi de table à découper. Les lacis formés inconsciemment par leurs anciens propriétaires se teintent de couleurs et deviennent tour à tour sculpture ou tableau. Surgissement du dessin, distorsions et prolongement de formes, l'art de Roxane Borujerdi est autant contextuel qu'il peut dans un premier temps nous sembler abstrait. Cependant, si l'utilisation de figures géométriques élémentaires traverse son travail, celles-ci ne sont nullement utilisées dans une optique métaphysique. Effectuées à main levée, elles se rapprochent d'avantage d'une action spontanée et volontairement hasardeuse. Aurélien Mole dans un texte écrit sur la pratique de l'artiste parlait d' « écart de proximité ». C'est finalement ce que construit l'artiste, un décalage entre une approche spontanée tout autant que minutieuse, un ludisme teinté de rigueur, une abstraction d'où jaillit une imagerie figurative liée au quotidien. Maniant l'art du paradoxe et du difficilement conciliable, Roxane Borujerdi crée des failles dans lesquelles elle aime à se glisser.
« J'ai eu l'impression d'offrir aux élèves un espace de création, que j'espère un peu plus ouvert et moins consensuel que celui du collège [...] J'espère leur avoir montré que le langage peut prendre plusieurs formes et que leur handicap de surdité peut être créatif en favorisant leur sens visuel (leur intelligence visuelle...).»
Roxane Borujerdi, artiste
Le projet
S’inspirant du principe du rébus, Roxane Borujerdi a proposé aux adolescents du Collège Madame de Sévigné, atteints de sévères troubles auditifs, de constituer un répertoire visuel qui génère des pistes de communication possibles, expérimentales et inédites, sur le principe du jeu — un élément récurrent dans le travail de l’artiste. Après avoir observé les hiéroglyphes égyptiens mais aussi les pictogrammes en général, depuis l’art rupestre jusqu’aux signes utilisés dans l’espace réel ou virtuel, les adolescents se sont amusés à remplacer les mots, les syllabes par des images, constituant ainsi un répertoire pouvant être combiné de diverses façons et créer de multiples possibilités en termes de sens.
Réalisée d’après cet alphabet visuel et certains objets (ré)inventés avec les enfants, une série d’objets en céramique colorés constitue un répertoire de formes et de signes identifiables composant symboliquement les éléments fragmentaires d’une sorte de langage codé.
Le projet a reçu le soutien du Département de la Seine-Saint-Denis dans le cadre du dispositif « La Culture et l’Art au Collège ».